Dans le cadre du projet Soft2Hard, une équipe du Laboratoire de Physique des Solides vient de démontrer la possibilité de faire mousser des liquides polymériques sans ajout de molécules tensioactives. L’usage de ces liquides est susceptible d’ouvrir de nouvelles voies dans la conception de mousses solides.
Qui ne le sait pas : pour faire une belle mousse, on doit ajouter des agents moussants, comme, par exemple, le savon. Dans le cadre d’un projet collaboratif PALM, des chercheurs du Laboratoire de Physique des Solides viennent de réaliser des expériences mettant en évidence l’existence de liquides purs formant des bulles et des mousses stables sans l’ajout de stabilisants (« tensioactifs »). Le liquide « auto-stabilisant » en question est un polymère (enchaînement statistique de plusieurs molécules identiques ou différentes) dérivé du silicone. En forme de brosse dont les « poils » sont constitués de molécules de la famille des oxydes d’alkylènes, il permet de faire des bulles pouvant vivre jusqu’à 40h. Dans la famille des polymères liquides, c’est pour l’instant le seul, à la connaissance des chercheurs ayant réalisé cette étude, à être capable de former des mousses aussi stables. Comment cette molécule en apparence classique peut-elle avoir cette capacité aussi étonnante?
En utilisant une mousse « simplifiée » – un seul des multiples films minces séparant les bulles dans la mousse – et en observant le comportement du film juste avant son éclatement, alors d’une épaisseur de quelques dizaines de nanomètres, ils ont constaté un phénomène inattendu pour ce polymère : en dessous d’une certaine finesse, les films ne s’amincissent plus continûment mais par couches successives. Toutes les couches sont d’épaisseur identique, ce qui est la signature d’une taille caractéristique au sein du liquide. En étudiant ce liquide polymérique par diffraction des rayons X au Synchrotron « Soleil », ils ont relevé la présence d’une longueur caractéristique identique à la hauteur des couches mesurées précédemment, et directement corrélée à la taille des molécules. Les chercheurs pensent que cette observation est la preuve que l’auto-organisation des polymères à proximité de l’interface entre le liquide et l’air est responsable de la dynamique très lente d’amincissement de ces films.
Un tel système peut être potentiellement très résistant à l’amincissement qui lui est imposé et ainsi présenter un effet similaire aux tensioactifs en empêchant les films d’atteindre l’épaisseur critique où ils vont se rompre. Les chercheurs continuent néanmoins leur travaux pour comprendre les mécanismes précis qui contrôlent la stabilité de ces mousses. Notamment, ils espèrent établir un cadre général pour pouvoir guider la conception d’autres molécules chimiquement différentes, mais elles-aussi capables de former des mousses stables. Elles joueraient un rôle significatif pour la fabrication de mousses solides et de matériaux poreux aux propriétés mécaniques, acoustiques ou de surface très contrôlées.
Mousse
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Film vertical |
Film horizontal
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Référence : Stable freestanding thin films of copolymer melts far from the glass transition, T. Gaillard, C. Poulard, T. Voisin, C. Honorez, P. Davidson, W. Drenckhan et M. Roché, ACS Macro Letters (2015)
Résultats obtenus dans le cadre du projet » How soft matter turns hard close to soft interfaces : approach to jammed states and emergence of mechanical properties » (soft2hard) financé par le thème 2 du LabEx PALM et porté par Wiebke Drenckhan (LPS).